• A la manière de Michel Pastoureau (Les couleurs de nos souvenirs, journal chromatique…), j’écris mon histoire d’or.

      

    OR… est une couleur…

    Or est un changement, un appel à penser autrement : « vous croyez savoir cela… vous avez entièrement raison d’ailleurs… Or le diable se cache dans les détails… »

    Or est entre ce dedans et le deHORS, une fenêtre hors du temps…

    Or est une couleur… qui illumine, qui éclaire…

    Car OR est aussi La Lumière en hébreu…

    Et Or est le prénom d’une jeune fille éblouissante, d’une amie dorée, qui vit aujourd’hui dans un pays à l’autre bout de la Méditerranée.

    Or était encore incertaine dans la chair de son dessin. Elle était blottie au fond du ventre de sa mère, qui avec son père ne savait pas encore quelle serait la voie à tracer, le sillon à former, le nom, le shem, en hébreu, à donner, le schéma à ébaucher pour leur enfant.

    Laisser la voie libre… il y avait Orion, il y avait Or, il y avait tant d’autres possibles, de choix, de demains… à deux mains…

      

    Pendant que ces questions se bousculaient dans le pays du lait et du miel, la grand-mère de la future petite Or était loin, très loin, portée sur un voilier, emportée sur la Mare Nostrum, quelque part entre le Guadiana et Chypre…. Elle s’appelait Brigitte et elle sentait que le temps était venu de changer de nom, de changer de shem… d’esquisser un nouveau schéma elle aussi, au moment, à l’instant de la naissance de sa petite-fille, elle-même renaissait…

    Et le Verbe prononça le shem « Orion ! » Oui ! Orion s’imposait. Elle prit un livre, ouvrit avec art au hasard des pages de ce livre peu quelconque… et tomba sur les mots : « ton nom est écrit dans les étoiles »    Orion…

    Tel serait son nom, son shem, son schéma à finir…

      

    Sa petite-fille guettait, sa petite-fille restait blottie au fond du ventre, attendant les esquisses à finaliser autour d’elle… elle ne s’appellerait pas Orion… Sans que ses parents n’en sachent rien le chemin, le schéma était déjà emprunté… mais d’autres encore possibles…

    L’ion de la grand-mère parla à l’Or de sa petite-fille.

    L’enfant encore sans nom, la petite que je vois aujourd’hui si belle, apparut… Un jour, un beau jour elle naquit. Qui était-elle ?

    Son père, en la prenant dans ses bras fut ébloui, éclairé par sa lumière. Frappé par ses rayons, seul un nom s’imposait : « Or… Lumière… »

    Son chemin maintenant était dessiné, son schéma tracé…

    Or-Lumière serait la couleur de son dessein…

    BBLR


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  • C’est au 19 rue des bons-enfants… J’y suis revenue et rien n’avait changé ou si peu… La façade blanchie devenue grisâtre et les pierres de plus en plus apparentes… le passé remontait le long des gouttières, les racines remontaient sur le mur pour alimenter chacune de ces fenêtres qui parlent des courants d’air de leurs habitants.

    J’ai humé l’air… et à la fenêtre entrouverte du premier la brise a fait frémir le linge étendu, les serviettes suspendues, les bavoirs accrochés. La famille Lafranchi s’était encore agrandie… des petits-enfants étaient là, des cris, des rires se répercutaient de l’appartement à la cour. La belle-fille Lanfranchi, celle qui avait épousé l’aîné, Victor, le préféré, et qui semblait avoir tant de mal à se faire accepter dans la tribu avait repeint les fenêtres… De la cour on sentait encore la peinture et on voyait le blanc tranchant sur le gris de la façade. La belle-fille Lanfranchi, Isabelle, que j’avais trouvé vingt as plus tôt sur le seuil du premier étage, en pleurs, mise à la porte par sa belle-mère, semblait avoir trouvé sa place dans la famille.

    Les plus petits dormaient dans la pièce à côté ; la fenêtre à demi ouverte, le rideau fermé, aspiré à chaque petit coup de vent… ils ne sont pas gênés par les rires et les cris, les courses dans le couloir, ils dorment…

    A l’étage du dessus, ce sont Mr et Mme Marchelli qui font la sieste aussi. Les vieux volets, les mêmes volets rouillés qu’il y a vingt ans, sont là… Mr Marchelli est chargé de leur ouverture et de leur fermeture. Mr Marchelli sur sa canne, déjà à l’époque, et toujours là… attentif aux petits pas de sa femme, silencieux et aimant. Mr et Mme Marchelli restés sans enfants, le petit Simon mort dans un accident, aiment entendre en dessous les gamins courir dans les couloirs. Les petits montent l’escalier tous les jours à cinq heures précises pour aller chercher chez Mme Marchelli les bonbons acidulés qu’elle garde dans sa soupière, mêlés aux colliers de pâtes et empreintes de mains en argile de Simon…

    Et puis, au troisième étage, il y a la Saporta, celle à qui personne ne parle dans l’immeuble. Elle doit avoir cinquante ans maintenant. Les petits murmurent sur son passage : « c’est elle, la sorcière… chuuut ! cache-toi parce que si elle te voit, elle te jettera un sortilège ! ». La Saporta ne sourit pas, elle passe devant les enfants tapis dans l’ombre, elle monte le grand escalier, lentement, en s’agrippant à la rampe…

    Mr et Mme Marchelli disent que c’était une putain avant, qu’elle recevait plein d’hommes différents, tout le temps… moi je l’aimais bien la Saporta, parce qu’elle m’avait accueilli un jour, à 15 ans, elle m’avait parlé des hommes comme personne ne m’en avait parlé, elle m’avait parlé de la vie qu’elle connaissait avec toutes ses bosses, ses cabosses. Ma fée carabosse me disait de garder toujours mes rêves, de ne jamais croire à la réalité dont tout le monde parlait… Elle était différente la Saporta. C’est elle que je viens voir aujourd’hui, vingt ans après… au troisième étage du 19 rue des bons-enfants.

    J’aime les fenêtres, elles parlent, elles vibrent et se cassent. Elles s’ouvrent sur l’extérieur, comme celle du dernier étage qui vient de claquer sur la façade, alors même que les murs restent silencieux, refermés sur eux.

    BBLR


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  • Voir mon fils sourire, son visage s’éclairer et sa fossette se creuser sur le bord de la joue…

    Entendre nos pas crisser dans la neige, un silence enveloppant le temps immaculé…

    Sentir l’eau chaude, bouillante, couler le long du dos, dérouiller mon corps encore endormi…

    T’attendre et entendre tes pas dans le couloir, et la porte s’ouvrir sur ton sourire le soir…

      

    Voir des larmes dans les yeux de ma sœur, mon amie, quand seule Delphes pouvait s’offrir à elle…

    Entendre les oiseaux dans le jardin aux échos…

    Sentir un rayon de soleil percer le volet, s’infiltrer jusque sur mon visage… le matin, un matin…

    Mon cœur s’emballer, mon être frissonner quand un nouveau chemin apparaît… un nouveau sentier à découvrir, une route à défricher, à tracer… changer, s’élever…

      

    Voir les enfants jouer, rire et poser des questions… dire des mots qui élèvent nos oreilles bien plus que nous les élevons…

    Entendre la lettre tant attendue tomber dans la boîte aux lettres…

    Parcourir les allées d’une librairie et me laisser happer par les couleurs, une couverture, un titre, des mots…

    Sentir ta main, ton épaule, ton étreinte quand l’instant semble s’écrouler…

    BBLR


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