• La folie de Pinochet - Luis Sepúlveda - Éditions Métailié (2003)

    La folie de Pinochet - Luis Sepúlveda - Éditions Métailié (2003)« J’écris parce que j’ai une mémoire et je la cultive en écrivant… ». En 2003 le Chili commémorait 30 années de deuil de son espoir, abattu sous les bottes d’un Pinochet chaussé par la CIA, Kissinger et Nixon. Pour ne pas oublier ce jour du 11 septembre 1973 où la démocratie a été déboulonnée. Ce 11 septembre-là, le président de la République Salvador Allende qui incarnait l’espoir de justice est mort dans le palais de la Moneda bombardé. Ce jour ouvrit la voie à une répression sanglante et à l’expérimentation sauvage des thèses ultralibérales de l’école de Chicago. Luis Sepúlveda fut une des multiples victimes de cette terreur militaire et idéologique. Des milliers de Chiliens furent torturés et assassinés. Les corps ont disparu mais la mémoire demeure, au-dessus du désert de l’Atacama.

    Ce jour-là je n’avais qu’un an. Je n’en ai entendu parler de ce jour de 1973 que bien plus tard, quand certains s’efforçaient de l’oublier. C’est contre cet oubli que Luis Sepúlveda n’a cessé d’écrire. Le 16 octobre 1998 Pinochet est arrêté en Angleterre, suite au mandat international lancé par le juge espagnol Baltazar Garzón. Mais après plusieurs mois de détention, il est renvoyé au Chili, considéré comme dément. Luis Sepúlveda suit attentivement l’espoir puis les atermoiements au Chili ou en Europe face à « cette vieille baderne de Pinochet » Il crie et poursuit la construction de sa barricade pour la mémoire, contre les déferlantes de la compromission et de l’oubli qui taraude son pays. Luis Sepúlveda fustige les années de « démocratie surveillée par les forces armées et le Fonds Monétaire International ». Certes beaucoup de choses ont changé au Chili après le départ de Pinochet « mais les caractéristiques fondamentales des deux Chili, qui cohabitent sur un même territoire, n’ont pas changé. Un Chili a été vaincu, d’abord politiquement et socialement, avant que les assassinats, les exécutions sommaires, les disparitions de personnes et la misère se chargent de la dégradation morale, du sacrifice de trois générations, d’un appauvrissement culturel atroce et d’un immense désespoir. Pendant ce temps, l’autre Chili, celui qui entoure à présent Pinochet, fêtait chaque crime, dansait avec chaque assassin, portait un toast chaque fois qu’un nom s’ajoutait à la liste des disparus ». Ni oubli ni pardon ! Luis Sepúlveda demande la justice et le réveil de tous les pays mais aussi du Chili « où il n’y a pas de confrontation d’idées et où la démocratie se confond avec la passivité sociale ».

    Cet ouvrage rassemble des articles qu’il a publiés dans des journaux européens pour rappeler à tous ce que furent les engagements politiques, les hommes disparus, la valeur de la littérature et le sens des mots… Luis Sepúlveda écrit en effet contre la perversion des mots (voir son superbe article « Outil portatif pour reconnaître les amis et les ennemis de la littérature dans ce recueil), pour résister à « l’empire de l’unidimensionnel, à la négation des valeurs qui ont humanisé la vie et qui s’appellent fraternité, solidarité, sens de la justice ». Luis Sepúlveda écrit parce qu’il aime sa langue et y reconnaît « la seule patrie possible, car son territoire est sans limites et son pouls un acte permanent de résistance ». Résister au détournement des mots et des idéaux, contre la folie de Pinochet et d’une globalisation sans âme.

    BBLR

    La folie de Pinochet - Luis Sepúlveda - Éditions Métailié (2003)


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