La Centrale - Elisabeth Filhol - Folio (2011)

Elle est au bout du chemin, elle est là, devant vous. Elle, c’est La Centrale. Mais Elle est n’importe laquelle des dix-neuf centrales françaises. Car Élisabeth Filhol suit un tour de France des sites nucléaires. Elle nous emmène sur la route, depuis Chinon jusqu’à Le Blayais, sur les traces d’un des nombreux intérimaires qui interviennent périodiquement et par cercles concentriques jusque dans son circuit primaire. Le travailleur itinérant pénètre dans la Centrale et nous suivons les relations dans la hiérarchie du travail, entre l’extérieur, le garde, et les ouvriers brièvement formés de cette fourmilière.

Description épurée de l’extérieur, du silence sur les milli sieverts dont les acteurs de l’intérieur ne doivent pas dépasser une certaine dose sous peine d’être « mis au vert ». Silence sur les doses et les migraines parce qu’il faut bien travailler tout au long de l’année pour joindre les deux bouts. Tranquillité de ces lieux isolés, à proximité du fleuve. Pourtant derrière ce calme trompeur, si la machine s’emballe, si les travailleurs à leur tour se fissurent, où se trouve le point de rupture ?

Avec une écriture rythmée et découpée. Élisabeth Filhol décrit la centrale par l’impersonnel de l’armée des intérimaires, en laissant filtrer les dangers connus, pensés, mais tus. Qui sont ces travailleurs temporaires du danger permanent, du risque immédiat mais en même temps reporté ? Des jeunes shootés à l’adrénaline aux personnes obligés d’en passer par là pour vivre, pour un contrat à maintenir dans le temps. Élisabeth Filhol frôle les personnages, les rencontres et les solidarités pour saisir le cœur d’une industrie insécure. Jean-Yves, Loïc, peu de noms, peu de connaissances de ces hommes car tout tourne autour et dans la centrale. Le cœur et le chœur des hommes qui y travaillent. Un beau petit livre qui avait obtenu le prix France Culture-Télérama en 2010 et qui vient de paraître en poche folio.

BBLR