• Hier mardi, le RER de 7h17 s’arrête sur le quai de Cergy-Saint-Christophe dans un crissement atténué par mon bonnet andin et par les joutes politiques radiophoniques déversées par mes oreillettes. A quai, deux longues minutes passent portes closes. Petits instants d’égarement du conducteur, probablement rappelé à l’ordre par quelques voyageurs en tête de train toquant sur sa vitre.

    Les portes s’ouvrent, et, chance, il reste suffisamment de places assises dans ces wagons matinaux sans étage, peu adaptés au transport des nombreux franciliens qui se lèvent tôt pour suivre avec bonne humeur les recommandations de leur petit timonier. Derechef, j’entame la lecture d’un article sur l’état des lieux de la tuberculose dans l’un de nos territoires ultramarins. Les toussotements de mes voisins sont de bon aloi pour se concentrer sur mon sujet. Deux stations plus loin, le train repart toutes portes ouvertes, à mon grands étonnements (et à ceux de mes voisins). Est-ce possible ? J’ai toujours cru que le RER ne pouvait redémarrer sans ses portes closes, comme nous l’avait souvent asséné des conducteurs excédés par des malotrus désœuvrés jouant à empêcher les fermetures. Désillusion : le train avance bel et bien, le froid s’engouffrant impunément dans la rame. Un compagnon d’infortune marmonne un « tout à l’heure il n’ouvre pas, maintenant il laisse ouvert, pff ! » fort à propos.

    Immédiatement, un voyageur intrépide se jette sur la porte pour la fermer. Etonnamment, elle se ferme facilement. Deuxième désillusion : j’étais persuadé que les ouvertures et fermetures par air comprimé rendait impossible cet exploit, à tout le moins par un être humain normalement musclé. Que nenni.

    Quelques mètres plus loin, le train stoppe. Il me parait évident qu’un signal d’alarme a été opportunément déclenché. Le train reste à l’arrêt une dizaine de minutes. Après ce silence bienséant, le conducteur daigne offrir quelques mots au bon peuple, se rappelant sans doute que des êtres humains et non des bestiaux le suivent de près. Nous présente-il quelques explications techniques apaisantes ? Pas le moins du monde. Troisième désillusion : « Je vais procéder au réarmement du signal d’alarme ; inutile de le réenclencher » bandes d’abrutis (ça c’est moi qui le rajoute pour faire comprendre le ton de sa réplique).

    Je dis à la cantonade : « comment peut-il se dédouaner aussi facilement ? ». Personne ne moufte. Dans le RER depuis et vers Cergy-Le-Haut, on a l’habitude des trains bondés ou annulés, des retards coutumiers, des stationnements en pleine voie sans information, des très longs changements de conducteurs à Nanterre-Préfecture. Bref, le regard moutonnier de mes comparses traduit la lassitude quasi séculaire du bon peuple qui a perdu ses dernières illusions, et moi gagné ma quatrième désillusion.

    Dans mon for intérieur, je me dis que le conducteur a probablement au minimum maugréé et plus certainement engueulé vertement le voyageur qui a eu l’impudence de déclencher l’alarme (et probablement lui a sauvé la mise s’il y avait eu un accident). Je me dis que si cette scène s’était produite dans mon wagon, j’aurais déversé quelques vérités crues à cet inconsistant tant il est vrai que l’erreur est humaine mais la connerie de ne pas l’admettre encore plus. Maigre consolation. Tout est rentré dans l’ordre. A Nanterre-Préfecture, l’attente pour un nouveau conducteur a été bien longue, mais particulièrement utile se jour-là.

    GLR


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