• F comme Faites ce qu’il vous plaît - avril 2012

    Bonjour ma grande handicapée ! Ô toi qui ne sais jamais trop que faire de mon corps. Tu es une bien piètre marionnettiste. Alors, voilà trois personnes se présentent à moi, que tu ne connais pas et tu m’emportes comme un pantin démantibulé… Je sens que tu tires les fils de mes bras. Tu les serres devant, tu les desserres. Hop ! Tu les fais passer derrière, en me joignant les mains… et puis à nouveau devant…

    Je connais, ma grande infirmité, tes manigances pour me maintenir à l’étroit dans ce corps que tu manipules. Et maintenant tu t’en prends à mes pieds… Tu les croises, les décroises… avant de les recroiser. Je sens ta vilenie me les faire bouger comme une terre glaise tournée par un potier peu doué. Et hop ! Sur un pied à présent ! Pourquoi ne pas me lancer dans une série de claquettes à contretemps tant que tu y es ?

    Ô toi, ma débilité, tu as toujours tenu mon corps sous ton impulsion démoniaque et incertaine. Fillette déjà, tu t’en donnais à cœur joie avec moi, cette grande asperge maladroite qui dépassait toutes ses petites copines de trois ou quatre têtes. Les autres ressemblaient à ce qu’on appelle communément de « vraies » petites filles, câlines, joueuses, charmantes, vêtues de petites robes qui tournoient quand elles dansent… Alors que moi la grande gigue, qui pourtant s’efforçait de courir comme elles, tu me faisais ressembler à un vilain canard boiteux bien qu’enjoué, avec son cou trop long, son dos déjà scoliosé et ses énormes chaussures orthopédiques qui ressemblaient étrangement à celles que ma grand-mère et ses amies portaient…

    Et quand toutes les petites abeilles papillonnaient et dansaient ensemble, quand les petites filles jouaient puis minaudaient devant les grands, tous fondaient… Et Pfuuitt ! Dans le froufrou des robes d’été, les petites abeilles s’envolaient alors promptement. Et toi, tu restais là avec moi, tu me clouais au sol avec mon regard bovin et mes mouvements lourds, incertaine du geste à adopter, paralysée. Et « le grand » face à moi restait perplexe devant cette enfant qui ne jouait pas à le charmer, coincée dans son corps.

    Ma timidité, ma grande invalide, je t’ai bien un peu apprivoisé ma mégère ! Parfois encore, tu me surprends à ployer mon dos, à chercher mes mots, à bafouiller. J’ai joué un temps à accentuer ton fardeau, je t’ai mimé et moqué. Mais je ne te maudis plus aujourd’hui, j’ai appris à vivre avec toi et même à t’aimer un peu. Et à aimer les personnes que tu harponnes. Ma vieille amie, je sais te voir dans le regard des autres. Tu t’y caches si souvent.

    BBLR


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