• Nuit - Edgar Hilsenrath - Attila (2012), Le Tripode (2014)

    Nuit - Edgar Hilsenrath - Attila (2012), Le Tripode (2014)Edgar Hilsenrath décrit froidement la (sur)vie quotidienne dans le ghetto ukrainien près du Dniestr, en territoire administré par les Roumains en 1942. Les propos sont très crus mais dépourvus des truculences et des provocations qui émaillaient le mémorable Le nazi et le barbier.

    Il y a ici une description sobre et captivante d’êtres humains réduits à la vitale nécessité de tous les instants de rechercher un endroit pour dormir à l’abri du froid et des rafles, et de la nourriture pour tenter de ne pas crever de faim. Une survie faite de trocs incessants, où la solidarité n’existe pas ou bien se monnaie à prix fort, où la police impitoyable est constituée de juifs chanceux. Un monde où les êtres sont laissés dans un dénuement physique et moral extrême. Un monde où on a le choix de « mourir tranquillement » de faim, d’épuisement, de typhus, ou d’une balle. Un monde absurde où les morts, même ceux qui sont les plus chers, n’ont plus le loisir d’être respectés.

    « Deux cadavres flottaient paisiblement sur le fleuve : un homme et une femme. La femme voguait un peu à l’avant de l’homme. On eût dit un jeu amoureux. L’homme essayait sans cesse d’attraper la femme, sans jamais y parvenir. Un peu plus tard, la femme dériva légèrement sur le bord et fit risette à l’homme, qui rendit son sourire, puis la rattrapa. Son corps heurta le corps de la femme. Les deux cadavres se mirent alors à tourner en cercle ; ils se collèrent un moment l’un à l’autre, comme s’ils voulaient s’unir. Puis, réconciliés, ils reprirent leur dérive. Le crépuscule s’épaississait. Le vent rafraîchissait les deux corps, avec la même tendresse que l’eau, les bergers et les champs de maïs de l’autre côté, sur la rive roumaine. Encore un jour absurde qui touche à sa fin. »

    « Ranek était assis là et fixait le mort, comme envoûté. Il secoua la tête. Non, pas encore ! Ce n’est pas parce que tes jambes ne t’obéissent plus que tu vas abandonner. Allez, debout ! Mais ses jambes ne voulaient plus. Elles aussi, comme le mort, parlaient leur propre langue, mais sur un autre ton. Elles disaient : file-nous d’abord à bouffer ! Ensuite nous te porterons. »

    … Un monde où deux êtres peuvent cependant trouver le bonheur du simple fait de n’être plus seuls au monde, ne serait-ce que pour un moment.

    GLR

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