• Peste & choléra - Patrick Deville - Seuil (2012)

    Peste & choléra - Patrick Deville - Seuil (2012)Voilà la vie de Yersin, découvreur du bacille de la peste, dans un texte bien peu romancé. L’auteur puise l’essentiel de ses sources dans l’abondante correspondance de Yersin avec sa mère Fanny et sa sœur Emilie.

    Ce Suisse bilingue français-allemand est d’abord étudiant en Allemagne à Marburg puis à Berlin, devient médecin chercheur à Paris, où il est naturalisé Français, auprès de Roux et de Pasteur à l’Institut qui va vite prendre ce nom. Ce découvreur de la toxine diphtérique décide de devenir voyageur puis explorateur. Il prend la mer comme médecin de bord pour la compagnie des Messageries Maritimes, affecté en Asie sur la ligne Saigon-Manille, puis sur la ligne de Haiphong reliant Saigon et Hanoi. « Le premier point où l’on s’arrête après Saigon est Nha Trang » écrit-il. « On prononce Nia Trang » précise-t-il. Il y prendra régulièrement ses quartiers pendant plus de 50 ans où il joue le rôle du « médecin des pauvres ». Après deux ans de navigation, Yersin s’ennuie, s’installe à Nha Trang et, de là, part en exploration dans la jungle durant des semaines. « Le voilà explorateur et arpenteur, appointé par le gouverneur général ». À ce « nouveau Livingstone » taciturne et solitaire, « on lui demande en échange d’étudier sur son passage le tracé de nouvelles voies pour le commerce, de signaler les lieux propices à l’élevage, d’inventorier les richesses forestières et minérales ». Les antiseptiques pasteuriens lui permettront de survivre aux petites écorchures de la jungle, et surtout à une blessure thoracique provoquée par une lance après un combat contre des brigands. Roux et Pasteur le convainquent de lâcher son bâton de pèlerin et de reprendre l’éprouvette en l’envoyant enquêter à Hong-Kong où sévit une effroyable épidémie de peste. Il n’a alors que 31 ans. Yersin observe, note, photographie, autopsie à l’insu des autorités anglaises, examine au microscope. A partir d’un bubon, « Yersin est le premier homme à observer le bacille de la peste ». Yersinia pestis. Plus tard à Canton, « Yersin est le premier médecin à sauver un pestiféré ». Yersin constate le rôle des rats comme principal vecteur, mais c’est un autre pasteurien, Simond, envoyé à Bombay pour prendre la suite de Yersin, qui découvre que la puce est le véritable vecteur de la peste. Yersin retourne à Nha Trang où il élève des troupeaux pour produire du sérum contre la peste et pour étudier d’autres maladies infectieuses. En 1902, Paul Doumer, alors gouverneur général d’Indochine, demande à son ami Yersin de diriger à Hanoi une école de médecine et un laboratoire rattaché à l’Institut Pasteur. Il y restera 3 ans avant de retrouver son Nha Trang. Il y deviendra, entre autres, producteur de caoutchouc et de quinquina qui lui permettent de s’enrichir. Il confie « la recherche médicale », « la recherche vétérinaire » et « les quinquinas » à des collaborateurs triés sur le volet pour se consacrer à la météorologie et à l’astronomie, passant « du microscope au télescope ». Yersin finira sa vie à Nha Trang, en Indochine occupée par les Japonais, pendant l’occupation allemande de la France.

    J’ai été trop descriptif ? Patrick Deville aussi. Et le choléra dans tout ça ? Peut-être l’auteur a-t-il hésité à faire un livre sur Pacini ou sur Koch, et son indécision entre deux maux nous a valu ce titre.

    En page 111, on trouve ce joli pléonasme : « épizooties animales ». Et ailleurs, un joli exemple de paradoxe : « le paradoxe de l’universalité française, pour un Suisse, déjà dans leur Déclaration : cette idéologie française qui parait toujours à ce point curieuse aux étrangers qu’elle montre bien, par là même, qu’elle ne l’est pas tant que ça, universelle ». Et pour le lecteur, le paradoxe, c’est d’apprendre beaucoup de choses sur ce personnage peu connu qu’était Yersin tout en restant peu convaincu par le style de l’auteur. Tout comme le lecteur que je suis, « en vieil épidémiologiste, Yersin n’oublie pas que le pire est toujours le plus sûr. »

    GLR

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