• Un graylois illustre Moïse Lévy (1863-1944), par Hervé Maurey, 1980

    Hervé Maurey, arrière-petit fils de Moïse Lévy, écrit dans La presse de Gray daté du 19 septembre 1980 l’article suivant. Hervé Maurey deviendra sénateur de l’Eure en 2008.

    Un graylois illustre MOÏSE-LEVY (1863-1944) (coupure de presse)Un graylois illustre Moïse Lévy (1863-1944), par Hervé Maurey, 1980

    - Ancien Maire de Gray (1912-1940)

    - Ancien Conseiller Général de Gray (1919-1940)

    - Ancien Sénateur de la Haute-Saône (1935-1940)

         Il y a 40 ans Monsieur Moïse Lévy destitué de ses fonctions et expulsé de chez lui par les allemands se voyait contraint de quitter sa ville natale pour Paris où Il devait y mourir. Les plus anciens graylois se souviennent encore, non sans émotion, de celui qui fût leur élu pendant près de 50 ans. Mais les plus jeunes ? Moïse Lévy n'est bien souvent pour eux qu'un nom de rue ou de groupe scolaire. C'est pourquoi il est bon de rappeler la vie d'un des personnages les plus marquants de notre histoire contemporaine.

     

         Né le 12 avril 1863, Moïse Lévy est dès 1894, à l'âge de 31 ans, élu Conseiller Municipal de sa ville natale. En 1912 à la veille de la guerre il est élu Maire de Gray et le restera, avec seulement une brève interruption, jusqu'à la seconde guerre mondiale.

         Lorsque la guerre de 1914 éclate le Maire de Gray rejoint le 52° Territorial d'Infanterie dans les Vosges. Démobilisé pour raison de santé et nommé Lieutenant Honoraire d'infanterie il regagne alors sa ville.

         Grâce a lui, Gray. bien que située dans la zone des armées, sera régulièrement ravitaillée. C'est ainsi qu'avec le matériel agricole de la ville. il assure la récolte non seulement des terres de la commune mais aussi de celles des mobilisés afin qu'aucune récolte ne soit perdue.

         En même temps il s'efforce dès cette époque d'assurer la modernisation de l'économie grayloise par l'implantation d'industries. Sous son impulsion s'installent à Gray les tissages Sauvegrain. L'I.R.C.B., les usines Gouvy ainsi qu'une centrale électrique que reprendra l'E.D.F.

         Le cadre de vie n'en fût pas pour autant délaissé, Moïse Lévy disait de sa ville natale: « Gray la Jolie », et s'employait à ce qu'elle soit telle. Il fit restaurer le magnifique toit de l'Hôtel de Ville de Gray et le théâtre. Le musée Baron-Martin reçut une impulsion nouvelle, son installation fût parfaite et ses collections enrichies par les nombreux dons qu'il obtint, dont celui de son ami Pigalle à qui l’on doit la remarquable collection de Prud’hon. D'un point de vue plus touristique, il convient de rappeler que c'est lui qui créa la plage de Gray ainsi que le Syndicat d'initiative de Gray dont il fût le premier président. Il fût, en outre l'un des fondateurs de la Fédération des Syndicats d'initiative de Franche-Comté et des Monts-Jura.

         Mais là où son action fût sans aucun doute la plus remarquable, c'est sur le plan social. Moïse Lévy estimait, en effet, que la solidarité sociale devait dépasser celle prévue par la loi. C'est ainsi que toute sa vie il vint en aide à ceux qui en avaient besoin. S'il est impossible de citer tous les secours individuels qu'il fournit, toutes les pensions et toutes les aides qu'il versa, il convient tout du moins de rappeler les principales œuvres sociales dont il fût le fondateur.

         Ainsi à une époque où les filles-mères étaient nombreuses et rejetées par la société, il fonde sur un terrain lui appartenant, le Refuge Maternel de l’Est, lequel doté d'une importante pouponnière recueille les mères et les enfants, luttant ainsi contre les abandons d'enfants et la mortalité infantile.

         Il crée grâce à des subventions personnelles des cantines scolaires gratuites et un bureau d'aide aux enfants issus de familles dans le besoin afin que ceux-ci puissent aller à l'école.

         Enfin il fonde le dispensaire anti-tuberculeux et participe à la création de l'Asile Coumot-Changey dont il sera l'administrateur.

         Ces 50 années de dévouement lui valent d'être fait Chevalier de la Légion d'Honneur, Officier de l'Instruction Publique et Commandeur du Mérite Social.

     

         A sa tâche de Maire viendra s'ajouter dès 1919 celle de Conseiller Général du canton de Gray, puis en 1931 celle de Vice-Président du Conseil Général de la Haute-Saône.

         Enfin en 1935, avec André MAROSELLI et le président du Sénat Jules JEANNENEY comme colistier, Moïse Lévy est élu Sénateur de la Haute-Saône. Désormais parlementaire, il dépose de nombreuses propositions qui deviendront des lois, portant ainsi au plan national l'action menée jusque là au niveau local.

         En 1940, lorsque survient le deuxième conflit mondial, cet homme de près de 80 ans se partage avec une vitalité étonnante entre le Sénat, le Conseil Général, la mairie de Gray et les Oeuvres Sociales dont il est Président.

         Le 15 juin les allemands entrent dans Gray. Resté à son poste Monsieur Moïse Lévy qui n'avait que 7 ans lorsque les prussiens envahirent Gray en 1870, a cette fois le triste devoir de recevoir l'occupant.

         Vers 21 h. 30, le Général allemand convoque Monsieur Lévy place du 4-Septembre, « Vous youde » demande-t-il, question à laquelle le Maire de Gray répond par l'affirmative. Ainsi commencent les difficiles rapports du Sénateur-Maire avec l'occupant, lesquels ne feront que se dégrader.

         Le 17 juin, le feu qui sévit depuis la veille atteint l'église. Les pompiers commencent à lutter contre l'incendie lorsqu'un sous-officier allemand donne l'ordre de cesser d'arroser sous prétexte qu'il manque de l'eau à l'hôpital. Ayant constaté qu'il n'en est rien, Monsieur Lévy tire une carte de visite de sa poche et écrit : « Moïse Lévy donne l'ordre, sous sa responsabilité personnelle, de continuer à lutter contre l'incendie ».

         Les allemands s’inclinèrent mais jugèrent dès cet instant sa présence indésirable à la tête de la ville dont il était l'élu depuis 1894.

         Le 20 juillet 1940 sur ordre des allemands, le Préfet de la Haute-Saône le relève de ses fonctions. Quelques jours plus tard les allemands lui donnent l'ordre de quitter sa maison en y laissant le mobilier, le linge et la vaisselle.

         Chassé de ses fonctions et de sa maison à 77 ans, il reste cependant à Gray jusqu'au mois d'octobre. Il part ensuite pour Paris où la gestapo viendra à plusieurs reprises le chercher mais devra y renoncer en raison de l'état de santé dans lequel l'ont plongé tant d'épreuves, la dernière étant la déportation du plus jeune de ses fils.

         Il meurt à Paris le 24 février 1944. Selon ses dernières volontés et dès que les circonstances le permirent, son corps fût ramené à Gray, la ville où il naquit, la ville à laquelle il consacra sa vie mais où il ne pût même pas mourir.

     

    Hervé MAUREY


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