• Une vie française - Jean-Paul Dubois - Editions de l’Olivier (2004)

    Une vie française - Jean-Paul Dubois - Editions de l’Olivier (2004)« Et ma mère tomba à genoux. » La France entre dans la Ve République au moment où la famille Blick s’effondre à la mort du frère aîné de Paul, le narrateur. L’histoire d’Une vie française se confond avec le parcours de cette république de de Gaulle à Chirac : « Il faut s’imaginer la France d’alors, une 403 bleu marine ou grise, intérieur en velours ras, de Gaulle au volant, les deux mains sur le cercle, Yvonne à ses côtés, le sac à main sur les genoux, et nous, nous tous, derrière, en proie aux nausées des promenades dominicales, à l’ennui vertigineux d’un avenir déjà démodé. (…) La France ressemblait à ces familiales au dessin un peu raide, ces berlines de petits notaires ou d’employés de l’Etat, tristes à périr, conduites sans excès ni fantaisie par un général catholique toujours prompt à rétrograder les vitesses dans l’ordre de la grille, et qui, le reste du temps, vivait dans les téléviseurs Grandin. Je vous parle d’un pays aujourd’hui bien plus englouti que l’Atlantide… »

    Et nous voilà embarqués au volant d’une de ces voitures des années 60, de ses écoles sans fantaisie, du purgatoire de l’adolescence, aux côtés d’un copain déjanté qui vous fait découvrir un monde insoupçonné de transgression en même temps qu’un univers terriblement solitaire. Jean-Paul Dubois nous emmène sur des chemins corsetés ou débraillés avec un égal humour désabusé, pour observer, le nez au vent, depuis la vitre de la 403 le monde qui l’environne et change au fil des ans.

    Parce qu’Une vie française dans les années 60 est aussi celle d’un jeune libertaire qui passe son bachot en 1968, qui découvre les libertés vite barricadées de cette révolution politique, sociale et sexuelle dans le chaud mois de mai. Jean-Paul Dubois nous emporte dans les remous de ses familles qui adoptent les masques de leurs époques, de mai 68 aux années 80 « où il fallait être mort pour ne pas avoir d’ambition » : « L’argent avait l’odeur agressive et prémerdeuse des déodorants pour toilettes. Tous ceux que ce fumet incommodait étaient priés de n’en point dégoûter les autres. Et de se mettre sur le côté. » Les mots sont justes et cinglent sur cette période du fric à gogo et de l’esprit d’entreprise.

    Dans ce roman d’un contemporain décalé, nous sommes aspirés dans l’esprit et l’histoire de notre époque. On est saisi par ce temps qui emporte loin des rêves adolescents, sans même s’en apercevoir. Devenu photographe de l’immobilité, l’observateur se décale de plus en plus. Les chutes suivent les brusques ascensions. La vie de Paul Blick est soumise aux secousses permanentes de notre époque hypomaniaque. L’évènement de 2002, l’éviction de Lionel Jospin au 1er tour de la présidentielle « m’avait frappé. Il m’avait permis de mesurer la vanité du monde moderne, cet univers outrageusement actif, bardé de capteurs, fonçant tête baissée sur les fantômes de ses certitudes, effaçant ses erreurs comme autant d’artefacts, négligeant le recul, méprisant la lenteur, oublieux, amnésique et voyou. »

    Ce roman décape nos vies françaises étriquées avec le choix de mots qui pointent et appuient au bon endroit, pour se rappeler et ouvrir nos yeux. Mais une vie française n’est pas qu’ironie et acidité. Il est aussi le tonneau de nos questions, de nos petites existences. Il effleure la force de nos sensibilités. Une vie française est un roman de nos vies à lire.

    BBLR

    Une vie française - Jean-Paul Dubois - Editions de l’Olivier (2004)


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